Les bégaiements masqués : des clandestins silencieux ?

 

Les bégaiements masqués : des clandestins silencieux ?

Ecrit par Julia COURTIN

Année Académique 2018-2019

 
Mémoire réalisé sous la direction de Madame la Professeure C. COLIN en vue de l'obtention du grade de Master en Logopédie

 

Résumé :

 
Le bégaiement masqué, forme atypique et peu connue du bégaiement, permet aux individus « porteurs d’un masque » d’avoir une parole fluide. En effet, ceux-ci inhibent les symptômes langagiers en utilisant quotidiennement de nombreuses stratégies linguistiques et comportementales. Toutefois, même si la partie émergée de « l’iceberg bégaiement », initiée par Sheehan en 1970, est peu visible, nous ignorons si la partie émotionnelle, partie immergée de l’iceberg, diffère significativement du bégaiement audible. La présente étude souhaite comparer la composante émotionnelle de ces deux formes de bégaiement et s’intéresse à la construction du masque et son devenir. Pour cela, une analyse quantitative à l’aide d’un questionnaire et une analyse qualitative via des entretiens semi-directifs ont été réalisées. Au niveau du questionnaire, 38 individus (dont 20 personnes avec un bégaiement audible et 18 personnes avec un bégaiement masqué) ont répondu à un large choix de questions relatives à l’intensité des émotions ressenties, sous différents aspects (situations de parole, pensées, personnalité, etc.). En ce qui concerne les entretiens, cinq personnes avec un bégaiement masqué (trois femmes et deux hommes) se sont confiées sur différentes thématiques liées à leur bégaiement et au port de leur masque. Au niveau de l’analyse quantitative, les résultats mettent en exergue une intensité émotionnelle générale similaire entre les deux formes de bégaiement. Les participants avec un bégaiement audible sont néanmoins plus émotifs dans des situations de parole jugées anxiogènes. La fréquence d’utilisation des stratégies est par ailleurs similaire entre les deux groupes. En ce qui concerne l’analyse qualitative, l’étude montre que la structure du masque se compose de stratégies conscientes et inconscientes qui pourraient déterminer la qualité de confort du masque et son devenir. Le degré de maîtrise de ces stratégies pourrait également être à l’origine des différentes formes de bégaiement masqué. Enfin, la souffrance principale du masque est liée à l’ignorance totale de cette forme de bégaiement dans la sphère publique et privée.
 

Abstract :

Covert stuttering is an atypical, very little known form of stuttering, in which individuals can issue fluent speech. Indeed, through frequent use of linguistic and behavioral strategies, the mask inhibits the linguistic symptoms. However, even though the visible part of the "stuttering iceberg" – an analogy developed by Sheehan in 1970 – is not very obvious, we do not know if the emotional part, in other words the invisible part of the iceberg significantly differs from audible stammer. This study aims to compare the emotional part in these two forms of stuttering and focuses on the building processes of the mask and its future evolution. For that purpose, we led a quantitative analysis using a Q&A and a qualitative one via semi-directive interviews. As to the questionnaire, 38 individuals (20 of which had audible stammer and 18 masked stammer) answered a large set of questions assessing the intensity of their emotions according to different aspects (speech situations, thoughts, personality). As to the interviewing part, five individuals with masked stammer (two men and three women) told us about their experience on different matters related to their stammer and their having a mask. As to quantitative analysis, results prove emotional intensity to be similar in the two forms of stammer. Participants with audible stuttering are nonetheless more emotional during speech situations deemed to be anxiety-provoking. The frequency of use of the strategies is also similar between the two groups. Concerning qualitative analysis, the study shows that the mask's structure is made of both conscious and unconscious strategies which may determine the more or less comfortable dimension of the mask and its future evolution. The degree to which individuals can master these strategies might also be the source of the differentiation between the two forms of masked stammer. Finally, we argue that the main suffering associated with the mask comes from the utter ignorance of that form of stammer in the public and private spheres.
 
 
 
 
 
 

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